Je rêve toutes les nuits qu’on me poursuit, je dois fuir, me cacher, courir, toujours courir…
J’appréhende tous les jours le moment du déjeuner.
Nous devons faire la queue, rangés par ordre alphabétique. Juste après moi, un bouboule qui me colle.
Tous les jours, il me plaque contre le mur et s’agite, la langue pendante et dégoulinante de salive, comme pour me violer.
Je n’ai pas assez de forces pour réussir à le repousser. J’ai peur.
Parfois, je joue l’indifférence, en espérant que le calvaire s’arrêtera plus vite.
Mais tous les jours, ça recommence.
C’est ainsi que se passe l’attente qui mène à la cantine.
Un sentiment de honte.
D’être prise pour une chose.
Et parce que personne n’intervient.
Ça fait même bien rire la galerie.
On dirait qu’ils ne s’en lassent jamais.
Parfois quand même, par je ne sais quelle chance, une amie un peu plus grande vient me délivrer. Ces jours-là, je vais un peu mieux, j’ai moins envie de pleurer. Je me sens revivre.
J’aimerais tellement être aimé.
Mais je n’ai rien de spécial, on peut même dire que je ne suis pas doué.
Et mon physique laisse à désirer.
Un jour, j’ai découvert que faire du mal pour qu’on m’aime,
Ça pouvait marcher,
Et c’est tellement facile.
En fait, tout le monde adore se moquer, ça resserre les liens.
Ça crée de la complicité.
Et c’est si bon de se laisser aller.
Moi je ne fais rien de mal, je ne fais que regarder.
Je ne peux pas m’interposer, ce serait trop risqué.
Je ne sais pas si je ferais le poids, et surtout, je risque d’être pris pour cible à mon tour.
Ou simplement de perdre mes amis, ça ce serait le pire, je n’ai pas envie d’être exclu.
Même si j’ai un peu de peine pour cette fille, je reste du côté où l’on est le plus nombreux.
Je me sens protégé par le groupe.
Comment se fait-il que personne ne vienne à mon secours ?
C’est que je ne dois pas en valoir la peine.
Pourquoi cet acharnement contre moi ?
Parce que je ne suis pas comme les autres ?
Parce que je suis petite et juste à côté de lui dans la queue ?
Peut-être, mais je me sens quand même responsable.
Responsable de ne pas réussir à me débattre contre un corps qui me dégoûte.
Responsable de l’indifférence des autres.
S’ils ont si peu d’attentions pour moi, c’est que je ne le mérite pas.
Je ne peux pas parler de ce qui m’arrive, même si je le voulais, je n’arrive pas à articuler des mots.
Si je parle, les représailles pourraient s’avérer encore encore plus dures.
Et puis, j’ai tellement honte d’être faible.
Personne ne m’aime.
Je ne mérite pas de vivre.
Je ne peux plus supporter tout ça.
Je suis vidée.
Je suis vide.
Je ne suis plus là.
Les rêves peuvent être prémonitoires mais ils sont essentiels pour nous aider à gérer les émotions vécues.
Le personnage s’il criait cette vérité dérangeante cela pourrait faire changer certaines personnes qui au plus profond de leur cœur n’attendent qu’un signe et enfin tous pourraient voir le malin….merveilleux rêve alors…fraternité retrouvée enfin…
On peut être vidée et atteindre un endroit où le malaise devient habitude mais on peut à nouveau remonter doucement pour atteindre le sommet de la flamme rassurante de la liberté.
Il suffira d’un signe….
C’est un texte qui parle du harcèlement, de la peur des victimes qui mène à l’autodestruction. ça parle aussi des motivations complexes du harceleur, qui peut harceler par besoin d’amour, ou en disant que c’est pour le bien des autres, et surtout, ça parle du réflexe de créer de la division pour resserrer les rangs d’un groupe…
merci, aussi pour la chanson que j’aime bien !
Je comprends mieux maintenant